n°46 Livres de Russie n°45 Livres du Nigeria n°44 Livres des pôles n°43 Livres d'Italie n°40 Livres de Chine n°41 Livres d'Allemagne n°42 Livres du Pérou n°28 Livres de l'Ouest américain n°39 Livres du Pakistan n°38 Livres de Colombie n°37 Livres d'Afrique du Sud n°36 Livres d'Haïti n°35 Livres du Maroc n°34 Livres d'Espagne n°32 Livres du Brésil n°31 Livres d'Irlande n°29 Livres de Grèce n°27 Livres de Finlande n°26 Livres de Cuba n°25 Livres du Japon n°23 Livres du Mali n°22 Livres d'Islande n°21 Livres d'Algérie n°20 Livres du Chili n°19 Livres de Hongrie n°18 Livres d'Iran n°17 Livres du Vietnam n°16 Livres de Sardaigne n°15 Livres de l'île Maurice n°14 Livres d'Egypte n°33 Livres de Norvège n°24 Livres de Roumanie n°30 Livres du Burkina Faso n°7 Livres d'Israël n°1 Livres de Palestine - indisponible n°13 Livres d'Argentine Hors-série n°3 Lectures érotiques Hors-série n°2 Poésie du désert Hors-série n°1 Littérature de l'esclavage n°11 Livres du Sénégal n°10 Livres du Japon et de Corée n°9 Livres de l'Inde n°8 Livres du Portugal n°4 Festival BD Angoulême - indisponible n°12 Livres d'Angleterre n°5 Livres de Bordeaux - indisponible n°6 Romans de gare - indisponible HTML Map

mardi 27 janvier 2009

Entretien avec le cinéaste burkinabé Dragoss Ouedraogo


TLÉ WILI



--> --> --> --> -->
Cinéaste, critique de cinéma, membre de l’association Cinéma Africain Promotion (qui organise régulièrement des ciné-palabres à la Bibliothèque Mériadeck de Bordeaux), Dragoss Ouedraogo enseigne au département d’anthropologie de l’université Bordeaux 2. Il est l’auteur de nombreux films dont, entre autres, Den baya (L’amour maternel, 1992), Tlé Wili (Soleil levant, 1998) et Martyrs oubliés, tirailleurs en campagne (2006).
Julien Verger : «Quelques mots sur ton parcours ?»
Dragoss Ouedraogo : «Avant mes études, je m’intéressais déjà beaucoup aux arts, comme la musique ou la danse. J’ai largement été influencé par l’ambiance artistique qui régnait à Bolomakote, le quartier de Bobo-Dioulasso où j’ai grandi. A l’époque, je fréquentais souvent le centre culturel français, au point d’être associé à l’équipe du ciné-club, notamment lors du visionnage des films avant leur diffusion. J’ai ainsi pu voir de nombreux films, ceux de Fernandel comme ceux de Truffaut, mais je n’avais pas encore pour projet de travailler dans le cinéma. Après le bac, j’avais la possibilité de partir étudier le cinéma en Bulgarie, mais j’ai préféré partir étudier en France, pour des raisons personnelles. J’avais une démarche pluridisciplinaire, m’intéressant à l’audiovisuel, au journalisme, ainsi qu’à l’anthropologie, vers 1975. A partir des années 1980, j’ai éprouvé le besoin urgent de pratiquer les arts de manière plus intense - la musique, la danse, les contes, le cinéma. C’est ainsi que j’ai fait cohabiter mon parcours universitaire et ma pratique artistique. Après avoir été assistant réalisateur, j’ai réalisé mon premier film en 1992.»
J.V.: «Te définirais-tu davantage comme enseignant-chercheur ou comme artiste ?»
D.O.: «Je n’ai jamais tranché cette question, ou plutôt je dirais que je m’investis dans ces deux activités de façon très complémentaire, en établissant une passerelle en permanence. Mon travail universitaire me permet de prendre de la distance par rapport à ma pratique artistique, et à l’inverse celle-ci nourrit ma réflexion de chercheur.»
J.V.: «Y a-t-il un cinéaste qui t’a particulièrement influencé ?»
D.O.: «J’admire beaucoup Ousmane Sembène (NDLR : écrivain et cinéaste sénégalais, 1923-2007), auquel Cinéma Africain Promotion consacre un cycle en ce moment à la Bibliothèque Mériadeck. C’est un cinéma d’engagement, qui rend compte des conditions sociales, politiques et économiques, et c’est un cinéma anthropologique où le réalisateur montre les gens dans leur quotidien. Il est sûr que l’oeuvre de Sembène a influencé plusieurs aspects de mon travail.»
J.V.: «Comment conçois-tu ton travail de cinéaste ?»
D.O.: «L’essentiel réside à mon avis dans le travail de préparation, dans tout ce qui précède le tournage lui-même. Le tournage est avant tout un geste technique, un acte de réalisation venant concrétiser un travail en amont. L’immersion dans l’univers du film, dans les lieux où il va être tourné, est un moment très important pour moi. Ceci dit, le tournage peut réserver des moments magiques, d’une grande intensité émotionnelle et humaine.»
J.V.: «Tournes-tu uniquement au Burkina Faso ?»
D.O.: «Non, un peu partout, pas seulement au Burkina, dans d’autres pays africains mais aussi en Europe ou ailleurs, cela dépend des projets.»
J.V.: «Dans quel contexte as-tu réalisé Tlé Wili (Soleil levant) (cliquez sur la vidéo ci-dessus) ?»
D.O.: «J’ai réalisé ce documentaire dans la semi-clandestinité, juste après l’assassinat de Norbert Zongo, le 13 décembre 1998. J’ai recueilli les témoignages de plusieurs personnes concernées par l’affaire. Mon but était de dénoncer ce crime politique et de poser plus largement la question de l’impunité de ce type de crime.»
J.V.: «Quel statut avait Norbert Zongo à l’époque ?»
D.O.: «Norbert Zongo était un écrivain ainsi qu’un journaliste d’investigation, ce qui est plutôt rare en Afrique. Il avait fondé son propre journal, L’indépendant, dans lequel il dénonçait régulièrement les malversations du pouvoir, notamment des affaires de détournement des fonds publics. Il a été assassiné par le clan présidentiel après avoir découvert des éléments accablants sur le frère du président Compaoré. Monique Ilboudo était ministre des droits de l’homme à l’époque, mais c’est surtout la société civile qui a réagi à l’assassinat de Zongo. La prise de conscience a été générale. D’impressionnantes manifestations réunissant entre 80.000 et 100.000 personnes ont eu lieu, notamment dans le sillage de «Trop c’est trop», collectif au nom éloquent créé à cette occasion. La société burkinabé était véritablement en ébullition.»
J.V.: «Ton film a-t-il été diffusé au Burkina Faso ?»
D.O.: «Oui, notamment grâce au soutien du réseau associatif et du centre culturel français de Ouagadougou. Il y a même été diffusé à la fac.»
J.V.: «Le cinéma est-il populaire au Burkina Faso ?»
D.O.: «Très populaire. Il est bien diffusé, même s’il faut souligner que certaines salles ont fermé ces dernières années et que d’autres sont en mauvais état par manque d’entretien et surtout à cause du désengagement des pouvoirs publics. Les gens ont accès à toutes sortes de film, y compris les films américains à succès ou les productions indiennes de Bollywood, très appréciées. On a une image de cette réalité dans certaines scènes du film Tamani. D’autre part, il existe au Burkina Faso un grand festival de cinéma, le Fespaco (Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou), fondé en 1969 par un groupe de cinéphiles, dont Ousmane Sembène d’ailleurs. C’est l’équivalent du festival de Cannes pour l’Afrique. Il a lieu tous les deux ans et contribue grandement à l’exposition du cinéma africain, tous pays confondus.»
J.V.: «Quelle est la situation de la production cinématographique au Burkina Faso ?»
D.O.: «La production, surtout vidéo, y est relativement importante au vu de la population. Dans les années 1960-70, dans un contexte de nationalisation, des aides à la production permirent la réalisation de plusieurs projets. Ce phénomène a continué par la suite, mais récemment la donne a changé : les politiques de libéralisation économique marquent le désengagement de l’Etat et fragilisent l’activité, surtout à partir des années 1990. Parmi les réalisateurs burkinabé actuels ou récents, on peut notamment citer Idrissa Ouedraogo (prix spécial du jury à Cannes avec le film Tilaï en 1990), Issiaka Konaté (Yirikan - La voix du bois), mais aussi de nombreux autres noms (NDLR : dont on aura un aperçu en lisant la page Wikipédia du Fespaco).»
J.V.: «En quelles langues sont réalisés les films en Afrique de l’Ouest ?»
D.O.: «Il y a plusieurs cas de figure. Tout d’abord, les films circulent beaucoup plus et peuvent toucher un plus grand public, notamment si l’on parle de l’Afrique de l’Ouest. De nombreux films sont en bambara, langue en usage dans plusieurs pays, sans sous-titres. D’autres langues peuvent être employées. Il arrive aussi qu’un film circule en plusieurs langues.»
J.V.: «Est-il mal vu de faire des films en français ?»
D.O.: «Non, pas particulièrement, tout dépend du type de film. Il est sûr que certaines scènes, notamment celles qui se déroulent au sein des villages, seront plus authentiques en langues africaines, mais dans le cas d’un film urbain, cela peut aller.»
J.V.: «Où peut-on voir tes films, et plus généralement des films burkinabé ?»
D.O.: «A travers le réseau associatif, à Bordeaux ou ailleurs, car il faut souligner que de nombreuses associations font la promotion du cinéma africain. Certains films sont empruntables à la Bibliothèque Mériadeck de Bordeaux. D’autre part, je signale que, depuis peu, mon documentaire sur Norbert Zongo est visible en intégralité sur le site Dailymotion (NDLR : ou sur le blog de BIBLIO – voir ci-contre dans la colonne des vidéos).»
J.V.: «Que penses-tu de Tamani, le film de Nicolas Guibert et Sébastien Gouverneur ?»
D.O.: «J’ai beaucoup aimé ce film. Il est très visuel et très musical, ce que j’apprécie. Il y a une ambiance qui s’installe et qui laisse au spectateur le temps de voir. L’absence de voix off est un choix de qualité : les images et la musique suffisent, les réalisateurs ont bien fait de ne rien ajouter.»
J.V.: «Un mot sur ton actualité de cinéaste et sur les projets à venir ?»
D.O.: «J’ai plusieurs projets en cours. Actuellement, je suis en train d’achever le montage d’un documentaire sur la lutte des femmes au Burkina Faso. Par la suite, je vais tourner un film entre le Mali et la Côte d’Ivoire, puis un autre au Brésil.»
J.V.: «Merci beaucoup pour cet entretien, Dragoss.»

Aucun commentaire: